Gestion de l'obsolescence : l'approche proactive d'Alstom pour maintenir les trains sur la bonne voie
Gestion de l'obsolescence : l'approche proactive d'Alstom pour maintenir les trains sur la bonne voie
Si votre train a été conçu pour fonctionner pendant 30 ans, mais avec des pièces qui deviennent obsolètes au bout de 10 ans, que faites-vous lorsqu'une pièce doit être remplacée ? Stuart Broadbent, directeur de la gestion de l'obsolescence chez Alstom, explique comment une équipe d'ingénieurs dévoués recherche en permanence les meilleures solutions pour nos clients.
Stuart Broadbent est directeur de la gestion de l'obsolescence et responsable de de toutes les questions relatives à l'obsolescence chez Alstom, entreprise dans laquelle il travaille depuis 1980.
Il possède une grande expérience dans les domaines du commerce, de l'ingénierie, des systèmes d'information, de la logistique, de la fabrication et des projets dans le secteur de l'ingénierie ferroviaire.
Stuart est également directeur de l'International Institute of Obsolescence Management (IIOM) et président de son comité britannique.
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Pourquoi la gestion de l'obsolescence est-elle essentielle pour les actifs ferroviaires ?
SB : Les actifs ferroviaires - trains, systèmes de signalisation ou infrastructures - ont une durée de vie de 30 à 40 ans. Mais, dans les produits que nous fournissons, nous utilisons des composants dont la durée de vie n'est que de cinq ans, en particulier les composants électroniques. Il n'est pas possible de remplacer continuellement les composants individuels dans nos conceptions, car cela nécessiterait la revalidation des systèmes et sous-systèmes du train. C'est pourquoi il est très important de gérer l'obsolescence, car nos clients s'attendent à ce que nos trains puissent fonctionner pendant 35 ans, même si un train à mi-vie peut contenir des composants qui n'ont pas été produits depuis 10 ou 20 ans.
Les composants électroniques des trains d'aujourd'hui sont omniprésents, par exemple dans les unités de contrôle des portes, le contrôle de la traction, le système de gestion des trains et le système de freinage. Ainsi, par exemple, lorsqu'un train est mis en service, l'équipement électronique pour le contrôle de la traction et le système de gestion du train a été conçu cinq ans plus tôt. Certains des composants électroniques auront été retirés du marché dans les cinq à dix ans suivant la conception originale. Nous ne pouvons plus acheter ces puces auprès du fabricant du composant d'origine. C'est ce que nous devons gérer.
Comment l’obsolescence est-elle gérée chez Alstom ?
Nous surveillons en permanence la disponibilité de 60 000 composants électroniques ; lorsqu'un fabricant est sur le point de les déclarer obsolètes, nous décidons de trouver un substitut pour ce composant, de revoir la conception de la pièce ou d'effectuer des achats à long terme. Alstom procède souvent à un approvisionnement à long terme, car la reconception et la revalidation d'un équipement sont très coûteuses. Alstom possède un stock important de composants électroniques pour couvrir ses besoins de production et de service. Nous avons commencé à gérer l'obsolescence parce que nous avions des difficultés avec les composants électroniques, mais aussi parce que nous avons des contrats de maintenance à long terme. Les clients ne sont pas intéressés par l'obsolescence ; ils veulent que leurs trains soient prêts à être mis en service conformément au contrat. Alstom assume le risque d'obsolescence dans ses contrats de service, et nous devons donc gérer ce risque. L'avantage est que, parce que c'est important pour nous, ce que nous faisons pour nous est également disponible pour nos clients.
Lorsque nous identifions une pièce obsolète, la première chose que nous faisons est d'en informer nos clients et de leur proposer des solutions. Lorsque nous proposons des solutions, nous cherchons à améliorer le service offert, que ce soit en termes de fiabilité, de disponibilité ou de fonctionnalité. La valeur ajoutée d'Alstom réside dans le fait que nous restons aux côtés de nos clients pendant toute la durée de vie du train. C'est ce qu’ils attendent de nous.
Comment Alstom essaye d’atténuer le risque d’obsolescence ?
Nous veillons à concevoir nos équipements de manière à réduire le risque d'obsolescence, en choisissant les bons composants et en les concevant de manière modulaire, de sorte que nous puissions remplacer un composant ou le sous-ensemble d'un équipement sans avoir à remplacer l'unité entière. Par exemple, les communications sans fil sont passées du GSM à la 2G, la 3G, la 4G et maintenant la 5G. La 3G est en passe de devenir obsolète. Nous ne voulons pas avoir à revoir complètement la conception d'un train parce qu'il n'est plus possible d'établir une connexion 3G. La conception modulaire nous permet donc de remplacer une radio 3G par une radio 4G ou 5G. Nous le gérons au niveau du système et pas seulement au niveau des composants.
Nous savons identifier ce qui va devenir obsolète au cours de la vie d'un train et avons une approche stratégique de la gestion de l'obsolescence. Pour les pièces à haut risque, nous réfléchissons dès le départ à la manière de gérer l'obsolescence et à ce que nous ferons dans 20 ou 30 ans pour soutenir ce produit. Pour les composants à risque moyen, nous surveillons la disponibilité de la pièce et, le cas échéant, nous informons le client et procédons à un achat à vie ou proposons un produit de remplacement. Pour les pièces à faible risque, nous sommes réactifs et nous traitons le problème d'obsolescence lorsqu'il se présente.
De quelle importance est le réseau de gestion de l'obsolescence d'Alstom ?
La gestion de l'obsolescence est une discipline relativement nouvelle et Alstom s'efforce de la développer. Nous sommes membres de l'Institut international de gestion de l'obsolescence et nous avons accès à ses programmes de formation et à son système de validation des compétences.
Au sein d'Alstom, nous avons le programme World Class Engineering, dans le cadre duquel nous identifions et développons trois niveaux d'experts : expert, expert senior et expert master. Nous avons identifié 150 personnes au sein d'Alstom qui consacrent un temps significatif dans leur travail à la gestion de l'obsolescence, dont 33 sont des experts, et nous avons un réseau qui se réunit trois fois par an. Par ailleurs, il est important de former les personnes à cette nouvelle discipline. Depuis 2018, nous avons formé 3 000 personnes chez Alstom à la gestion de l'obsolescence.
Pour moi, l'une des réussites a été de construire et de diversifier la communauté. Nous avons des ingénieurs qui arrivent en début de carrière et qui se familiarisent directement avec la discipline, au lieu d’ingénieurs qui la découvrent en fin de carrière. Le profil change, avec des personnes plus jeunes et de différents pays et un nombre significatif de femmes ingénieurs en obsolescence. Nous travaillons également avec une université parisienne et fournissons deux tuteurs pour leur cours de Master en gestion de l'obsolescence, qui débutera en 2025.
Comment l'expertise d'Alstom en matière d'obsolescence profite-t-elle à ses clients ?
Nous veillons à ce que les actifs de nos clients puissent durer pendant la durée de vie prévue, voire plus longtemps. Avec l'arrivée de technologies de pointe dans le domaine du matériel roulant, les opérateurs font désormais confiance à Alstom en raison de notre expertise en matière de maintenance. Nous les accompagnons pour garantir la durée de vie des actifs et, à long terme, pour en assurer la fiabilité et la disponibilité, tout en veillant à ce que nos trains ne soient pas mis hors service prématurément pour cause d'obsolescence. Nous travaillons avec nos clients pour développer leurs compétences et les aider à comprendre le problème. Nous sommes souvent confrontés à des fabricants qui ne prennent pas en compte le risque d'obsolescence. Il est donc important que nos clients comprennent non seulement le risque pour leur flotte, mais qu'ils prennent également en compte la gestion de l'obsolescence dans leurs appels d'offres.