La propulsion verte, l’alternative ferroviaire pour lutter contre le réchauffement climatique
La propulsion verte, l’alternative ferroviaire pour lutter contre le réchauffement climatique
La situation est sans appel : le monde vit une urgence climatique étayée par les autorités scientifiques[1] et réduire les émissions de gaz à effet de serre est critique pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris de 2015. L’Amérique du Nord ne fait pas exception et cherche de nouvelles manières de consommer, travailler, se nourrir ou se déplacer. À travers les États, provinces et pays, le transport moyenne et longue distance de marchandises et de passagers, principalement tributaires de la route et d’énergies fossile, cherche un second souffle. Dans les villes, la dégradation de la qualité de l’air doublée de la congestion automobile oblige à repenser la mobilité urbaine et périurbaine pour rendre les métropoles plus belles, mieux connectées, plus vertes et in fine plus vivables.
L’industrie ferroviaire a un rôle prépondérant à jouer dans cette transition.
L’industrie ferroviaire a un rôle prépondérant à jouer dans cette transition. Le train est social ; il regroupe quand la voiture individuelle sépare. Il est un outil d’aménagement du territoire efficace et sécuritaire. Et respectueux de l’environnement : en moyenne, un voyageur d’un train à grande vitesse émet 50 fois moins de CO2 / km qu’en empruntant un vol moyen-courrier, un train de marchandises 14 fois moins de CO2 / km qu’un poids lourd[2] et sur 16, 2 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre provenant du secteur du transport, 73,5 % proviennent du transport routier[3]. Enfin, le train dispose d’un potentiel de développement important.
Apporter des solutions alternatives aux énergies fossiles et développer davantage les performances écologiques des systèmes ferroviaires, c’est la mission du centre d’innovation d’Alstom pour les Amériques. « Le train est une solution par nature respectueuse de l’environnement et l’est davantage grâce à l’électricité, note Éric Rondeau, directeur du centre basé à Saint-Bruno-de-Montarville au Québec et inauguré en juin 2022. L’Amérique du Nord compte seulement 1 % de réseaux électrifiés. 99 % d’entre eux fonctionnent donc avec des sources d’énergie fossiles. Nous travaillons à rendre le ferroviaire encore plus vertueux. C’est un défi mais le champ des possibles est immense. »
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50x moinsen moyenne, un voyageur d’un train à grande vitesse émet 50 fois moins de CO2 / km qu’en empruntant un vol moyen-courrier
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1 %L’Amérique du Nord compte seulement 1 % de réseaux électrifiés
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≈99 %d’entre eux fonctionnent donc avec des sources d’énergie fossiles.
L’électrification des réseaux est une gageure. Le fret en est un bon exemple : électrifier des milliers de kilomètres est un non-sens économique en matière d’installation mais aussi de maintenance. Ce marché a pourtant un potentiel impressionnant. L’Amérique du Nord compte près de 30 mille locomotives de fret. Diesel. « C’est autant de locomotives dont nous pouvons convertir les systèmes de traction vers des solutions alternatives plus vertes et plus efficaces, explique Éric Rondeau. Des solutions existent, nous cherchons à les adapter aux enjeux nord-américains et à innover en permanence. La propulsion électrique est aujourd’hui la plus vertueuse. Mais si installer des milliers de kilomètres de caténaires n’est pas viable, la question est de savoir quelle source d’énergie peut alimenter au mieux nos trains électriques : l’hydrogène ? les batteries ? une combinaison des deux ? »
L’entreprise a développé Coradia iLintTM, premier train de passagers alimenté par une pile à combustible. Un train électrique qui crée son électricité en combinant l’hydrogène embarqué dans des réservoirs et l’oxygène naturellement présent dans l’air. Seuls rejets de cette réaction : vapeur d’eau et eau condensée. Le 15 septembre 2022, ce train, peu bruyant et à zéro émission, a parcouru la distance record de 1 175 kilomètres avec un seul plein d’hydrogène, soit une autonomie supérieure à celle d’un train diesel. En Allemagne, une première ligne 100 % hydrogène a été lancée avec 14 Coradia iLint remplaçant progressivement 15 trains diesel.
Le centre d’innovation de Saint-Bruno a pour mission de travailler à une version adaptée à la réalité nord-américaine. Dans un premier temps, cela va prendre la forme d’une démonstration en faisant venir dans les Amériques le train Coradia iLint. Le 2 février 2023, Alstom a annoncé, en partenariat avec le Gouvernement du Québec, Chemin de fer Charlevoix, Train de Charlevoix, Harnois Énergies et HTEC, la mise en service commercial de son train à hydrogène dans le cadre d’une démonstration. Pendant l’été 2023, le train Coradia iLint d’Alstom transportera des voyageurs sur le réseau ferré de Charlevoix entre le Parc de la Chute-Montmorency et la ville de Baie-St-Paul le long du fleuve Saint-Laurent. Le train sera alimenté par de l’hydrogène vert produit par Harnois Énergies sur son site de la Ville de Québec.
Coradia iLint – le premier train de passagers à hydrogène au monde
En savoir plusLe Québec sera la première juridiction d’Amérique à faire circuler un train de passagers zéro-émission alimenté par de l’hydrogène vert. Cette première démontre le leadership de la province dans la transition vers des solutions de mobilité durables et la mise en place d’écosystèmes hydrogène. La circulation du train dans les conditions d’un service commercial, permettra à Alstom et à ses partenaires d’évaluer les étapes de développement nécessaires à la mise en place d’un écosystème de mobilité à hydrogène et à sa pénétration sur le marché nord-américain. Éric Rondeau : « L’hydrogène est une réponse, nous voyons de grandes avancées concernant les batteries, nous réfléchissons à de nouvelles idées de plateformes. Nous travaillons aussi à combler le fossé technologique et culturel relatif au ferroviaire dans la région. »
En Europe ou en Asie, utiliser un train de passagers est une habitude ancrée depuis longtemps. Moins en Amérique du Nord. Par exemple, le parcours Montréal-Toronto en train prend le triple du temps nécessaire pour aller de Paris à Lyon dans un TGV français pour une distance similaire. « Améliorer et décarboner l’offre ferroviaire ne se fera pas du jour au lendemain, dit Xavier Boisgontier, Directeur Stratégie verte pour Alstom en Amérique du Nord. Nous cherchons à accompagner les autorités de transport et faire comprendre que, sur le long terme, passer de solutions polluantes à des solutions alternatives vertes, intelligentes et toujours plus performantes est bénéfique et rend le transfert modal vers le rail possible. Pour leur réputation et leur responsabilité sociale mais aussi économiquement. En évaluant le coût total de possession d’un système ferroviaire et en améliorant sa performance pour en favoriser l’utilisation, nous faisons la démonstration que l’investissement initial en vaut la peine. » Au Canada, c’est le choix fait par Metrolinx pour le programme d’Expansion de GO, qui vise non seulement à rendre le réseau plus intelligent avec un système de signalisation à la pointe de la technologie, mais surtout à réaliser la transition du diesel à l’électrique. Alors pourquoi ne pas dupliquer ces projets ?
Le rail est une solution complémentaire et d'avenir
Faire avancer un train à l’hydrogène est une prouesse. Mais développer l’écosystème autour s’avère essentiel. Comment alimenter un train avec des énergies propres ? Où positionner des bornes de recharge ? Quels partenariats réaliser pour produire de l’hydrogène vert non-issu de procédés chimiques ? Comment aider les autorités à aller vers des modèles industriels, opérationnels ou d’affaires nouveaux ?
Alstom suggère trois approches complémentaires.
La première consiste à regrouper les acteurs clés de la transition énergétique en zone d’innovation pour faire travailler ensemble chercheurs, experts, industriels, universitaires, institutionnels et élaborer des modèles efficaces et adaptés aux territoires. C’est ce qu’il se produit au Québec avec le plan hydrogène vert impulsé par le Gouvernement et la mise en place d’un cluster dans la région de Trois-Rivières.
Le deuxième axe vise à accompagner les autorités de transport de A à Z, dans une approche appelée dans l’industrie ferroviaire « clés-en-main » qui va bien au-delà de la fourniture du matériel roulant. Saisir un besoin, réaliser des études empiriques et comparatives avec d’autres réseaux, concevoir le système en prenant en compte les réalités économiques, mobilité et achalandage puis construire, mettre en service, exploiter et maintenir le réseau à long terme. Cette approche vise à réduire les risques liés à l’intégration de la multitude de sous-systèmes requis pour un système ferroviaire. Au Canada, la participation d’Alstom au Réseau express métropolitain (REM) de Montréal en est une bonne illustration. Alstom a conçu avec son client CDPQ Infra le système adapté à ses besoins et assure, en plus de fournir le système de métro automatique léger et 30 ans d’exploitation et maintenance, les essais d’intégration de tous les sous-systèmes incluant ceux du génie civil du projet.
Enfin, « il n’existe pas de changement de cette ampleur sans volonté et soutien des gouvernements et des autorités, explique Xavier Boisgontier. Tout changement implique une appropriation d’un nouveau modèle et requiert deux actions macroscopiques. D’abord tester de nouvelles plateformes pour les amener à maturité et faire la démonstration de leur viabilité, technique, industrielle, économique et sociale tout en développant l’écosystème local. Ensuite, promouvoir et valoriser ce changement en donnant accès à la technologie en délivrant des incitations vertes pour changer de modèle et permettre aux opérateurs et agences de transport de s’approvisionner de manière plus responsable. »
Alstom is a commited partner
L’industrie ferroviaire – transport de passagers, navettes automatiques d’aéroport ou fret – peut prendre une place encore plus importante dans la lutte contre le réchauffement climatique grâce son empreinte carbone faible. Elle peut être encore plus efficace grâce à la propulsion verte grâce à des solutions toujours plus intelligentes. Les efforts du Canada et des États-Unis pour favoriser l’utilisation des voitures électriques individuelles sont extrêmement positifs et doivent être poursuivis. Mais tous les rapports indépendants montrent que cela sera insuffisant pour atteindre les objectifs relatifs aux émissions de carbone d’ici 2050. La saturation actuelle des réseaux de transports routiers urbains et des installations aéroportuaires des grands centres nécessitent le développement d’autres modes de transport que la voiture ou l’avion. Le rail est une solution complémentaire et d’avenir. Fort de ses capacités d’innovation, avec ses installations et ses compétences de la conception et la production de systèmes ferroviaires verts et intelligents jusqu’à leur exploitation, maintenance, modernisation et valorisation, Alstom est un acteur engagé à aider l’ensemble des acteurs de la mobilité québécoise et nord-américaine dans cette aventure. Une aventure qui doit définir les manières de se déplacer sur le continent pour les cent prochaines années.
Cet article a été publié une première fois dans la revue ‘Routes et transports’ publiée par l’Association québécoise des transports publics (AQTr) à l’automne 2022. Il a été rédigé par Adrien Vernhes, responsable de communication pour Alstom dans la région des Amériques. L’article est reproduit ici sous le format d’un livre blanc avec l’aimable autorisation de l’AQTr.
[3] OurWorldinData, Climate Watch, The World Resources Institute.